Bulletin Juridique

Les critères de résidence fiscale des personnes physiques à l’épreuve du Covid-19

« Le nombre de jours passés en France peut être indifférent si le contribuable est en mesure de justifier que son foyer d’habitation permanent est uniquement au Brésil ou s’il conserve au Brésil le centre de ses intérêts.»

La loi française (article 4 B du code général des impôts) définit le domicile fiscal d’une personne physique selon des critères alternatifs d’ordre personnel, professionnel ou économique, indépendamment de la nationalité des contribuables. Lorsque cette personne a également une adresse de domiciliation dans un Etat avec lequel la France a conclu une convention fiscale de non double imposition en matière d’impôts sur le revenu, il peut être fait application de critères internationaux qui supplantent les critères en droit interne.

 

Dans le cas d’une personne physique qui vit entre le Brésil et la France, les dispositions de la convention fiscale signée le 24 décembre 1971 entre ces deux Etats tranchent les conflits de résidence de la manière suivante :

 

  • la personne est en priorité considérée comme résident de l’Etat où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent,
  • si elle dispose d’un foyer d’habitation permanent au Brésil et en France, elle est considérée comme résident de l’Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits,
  • Si l’Etat où cette personne a le centre de ses intérêts personnels et économiques ne peut pas être déterminé, elle est considérée comme résident de l’Etat où elle séjourne de façon habituelle,
  • Si cette personne séjourne de façon habituelle au Brésil et en France, elle est considérée comme résident de l’Etat dont elle possède la nationalité.

 

La convention accorde donc en priorité la préférence à l’État où l’intéressé dispose d’un foyer d’habitation permanent. La doctrine internationale de l’OCDE considère que la résidence d’une personne se trouve là où celle-ci a la jouissance d’un foyer d’habitation, à condition que ce dernier soit permanent, c’est-à-dire que la personne l’ait aménagé et réservé à son usage d’une manière durable, par opposition au fait du séjour à un certain endroit dans des conditions telles que ce séjour apparaisse comme devant être limité à une courte durée.

 

Quant à la notion de centre des intérêts vitaux, sont pris en considération les relations familiales et sociales de l’intéressé, ses occupations, ses activités politiques, culturelles ou autres, le siège de ses affaires, le lieu d’où il administre ses biens. Si une personne qui a une habitation dans un État établit une deuxième habitation dans un autre État, tout en conservant la première, le fait que l’intéressé conserve cette première habitation dans le milieu où il a toujours vécu, où il a travaillé et où il garde sa famille et ses biens peut, avec d’autres éléments, contribuer à démontrer qu’il a conservé le centre de ses intérêts vitaux dans le premier État.

 

Deux principes ressortent de l’analyse de ces critères :

 

  • Si d’un côté, le nombre de jours passés en France (séjour principal) peut-être indifférent si le contribuable est en mesure de justifier que son foyer d’habitation permanent est uniquement au Brésil ou s’il conserve au Brésil le centre de ses intérêts personnels et économiques,

 

  • De l’autre, la durée des séjours passés en France pour raison personnelle ou professionnelle et les conditions de ces séjours peuvent toutefois constituer un indice pertinent pour apprécier le caractère « permanent » du foyer.

 

Compte tenu de la crise sanitaire actuelle, la Direction des Impôts des Non-Résidents (« DINR ») a été interrogée sur le fait de savoir si une prolongation de la durée de confinement était susceptible d’avoir un impact sur l’appréciation des critères de résidence fiscale pour les personnes domiciliées hors de France qui sont empêchées de rentrer chez elles.

 

La DINR a répondu qu’un séjour temporaire au titre du confinement en France, ou de restrictions de circulation (« travel ban ») décidées par le pays de résidence, n’est pas de nature à caractériser une domiciliation fiscale en France. Au regard des conventions internationales, il apparaît également que le fait qu’une personne soit retenue provisoirement en France en raison d’un cas de force majeure ne soit pas de nature, pour ce seul motif, à la considérer comme y ayant établi son foyer permanent ou y ayant le centre de ses intérêts vitaux. Cette position rassurante aura ainsi le mérite de dissiper les inquiétudes légitimes des personnes concernées.

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