L’acquisition et le fermage des terres agricoles au Brésil par des particuliers ou des sociétés étrangers ont toujours fait l’objet de controverses juridiques et politiques. Un nouveau projet de loi n° 2.963/2019 sur ce sujet vient d’être approuvé par le Sénat brésilien. Ce projet de loi doit maintenant être examiné et voté par la Chambre des députés et son approbation n’est pas gagnée d’avance.
LE STATUS QUO
L’Acquisition de terres agricoles par des étrangers est, actuellement, réglementée par la controversée Loi n° 5709 de 1971. S’agissant d’une loi antérieure à la Constitution Fédérale brésilienne en vigueur qui date de 1988, son adéquation au nouvel ordre constitutionnel a fait l’objet de différents Avis émis par l’Avocat Général de l’Union (« AGU »), ce qui a apporté de l’insécurité juridique, limitant les investissements étrangers dans le secteur agricole.
Selon l’article 190 de la constitution brésilienne, la loi doit réglementer et limiter l’acquisition ou le fermage de propriétés rurales par des personnes physiques ou morales étrangères et déterminer les situations qui dépendront d’autorisation du Congrès national.
La loi n° 5709 de 1971 réglemente et limite le droit des étrangers, personne physique ou morale, d’acquérir ou de louer des terres agricoles au Brésil. Outre les restrictions qui ont trait à la superficie des terres et son utilisation, les étrangers ne peuvent pas détenir plus de 25% des terres agricoles localisées dans une seule municipalité et des individus ou sociétés d’une seule nationalité ne peuvent pas détenir ensemble plus de 40% de ces 25%.
Cette loi impose aussi l’accord du Conseil de Sécurité National pour l’acquisition par des étrangers des biens immeubles situés dans des zones considérées indispensables à la sécurité du pays (frontières, au tour des zones militaires, etc.).
Selon l’article 1er de la loi n° 5.709/71 les restrictions concernent les personnes physiques ou morales étrangères ainsi que (Art. 1er § 1er) les personnes morales de droit brésilien, dont le capital est détenu majoritairement par des personnes physiques ou morales étrangères. Ces dernières dispositions ont fait l’objet d’interprétations diverses au cours des dernières décennies.
Un premier Avis au sujet de la constitutionalité du § 1er de l’article 1 a été émis par l’AGU en 1994. Cet Avis excluait les sociétés brésiliennes détenues majoritairement par des capitaux étrangers de la portée des restrictions de la loi n° 5.709/71, la déclarant inconstitutionnelle. En 1995, l’amendement n° 6 de la Constitution Fédérale a supprimé la distinction entre société brésilienne et société brésilienne de capital national. En 1998, un second avis de l’AGU maintenait, au vu de l’amendement n° 6, le caractère inconstitutionnel des restrictions imposées aux sociétés brésiliennes de capital majoritairement étranger par la loi n° 5.709/71.
En 2008, au nom d’une « nouvelle conjoncture économique mondiale » l’AGU a émis un troisième Avis sur cette question, avec une interprétation diamétralement opposée à celle des Avis de 1994 et 1998 : Les restrictions de la loi n° 5.709/71 devenaient applicables non seulement aux sociétés brésiliennes dont le capital était détenu majoritairement par des personnes physiques ou morales étrangères mais aussi à celles dont le contrôle effectif – élection des dirigeants, droit de votes qualifiés – était détenu par des étrangers.
L’AVENIR :
Le projet de loi n° 2.963/2019, visant à mieux réglementer la question et stimuler les investissements étrangers dans le secteur agricole, assouplit les restrictions imposées aux étrangers pour l’acquisition ou le fermage des terres agricoles au Brésil.
L’un des mérites de ce projet est de définir de façon claire les sociétés qui seront objet des restrictions à savoir, celles « constituées et établies en dehors du territoire national ». Plus en syntonie avec la Constitution Fédérale, ce projet de loi permet aux sociétés brésiliennes, quelle que soit l’origine de son capital et de son administration, d’acquérir des terres agricoles sans restriction.
Tout en maintenant les limites des superficies globales ne pouvant pas être détenues par des étrangers en général et des étrangers d’une seule nationalité, ce projet prévoit la dispense d’autorisation administrative lorsque la superficie de la propriété rurale devant être acquise ou louée n’excède pas quinze modules fiscaux (environ 80 hectares). D’un autre côté, il pose des restrictions spécifiques quant à l’acquisition des terres situées en Amazonie, ou au long des frontières, devant être soumises à un contrôle du Conseil de Défense National.
D’autres points de ce projet sont plus contestables. Par exemple, il attribue au Congrès brésilien le pouvoir d’autoriser, par décret législatif, l’acquisition de terres agricoles par des personnes étrangères au-delà des limites établies par la loi, lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre de projets jugés prioritaires. Comme la notion de « prioritaire » n’a pas été définie, cette ouverture peut donner marge à des abus ou lobbings mal venus.
Un autre thème qui mérite d’être éclairci et qui n’est pas réglementé par le projet de loi n° n° 2.963/2019 est celui de l’acquisition ou le louage des sentiers du littoral (« terrenos de marinha ») par des étrangers. Ces terres, classées comme des biens essentiels à la défense du pays, appartiennent à l’Etat brésilien (article 20, VII, de la CF). L’arrêté 293 de 2007 du Secrétariat du Patrimoine de l’Union (« SPU ») indique dans son article 29 que le transfert de ces biens à des étrangers est soumis à l’autorisation du Président de la République !
Finalement, une révision de la reclassification des terres urbaines ou rurales s’impose. Les villes ont grandi, urbanisant des terres autrefois rurales mais qui conservent cette classification dans les registres immobiliers.
Malgré l’approbation de ce projet par le Sénat, nous sommes encore loin d’une loi qui supprime des restrictions et bureaucraties désuètes en matière d’acquisition immobilière par des étrangers, tout en protégeant la souveraineté nationale par le contrôle des acquisitions, par des étrangers, des superficies productives ou essentielles à la protection de l’environnement.