05/09/2022 – Maître Aécio Filipe Coelho Fraga de Oliveira – BMA French Desk et Maître Selma Ferreira Lemes – Selma Lemes Advogados
L’exécution des mesures provisoires en dehors du siège de l’arbitrage est internationalement un domaine où l’efficacité de la procédure arbitrale est mise à l’épreuve. Avec l’augmentation de la circulation des personnes et du transfert international des biens, les conflits internationaux ont fréquemment lieu dans des endroits où aucune des parties ne possède d’actifs ou d’opérations commerciales. Cette situation exige donc l’exécution de mesures provisoires en dehors du siège de l’arbitrage.
Les parties font face à deux types de problèmes : l’indisponibilité de mécanismes pour assurer l’exécution ou l’absence de solutions uniformes pour ce faire – comme c’est le cas dans le Droit brésilien -, qui entraine une insécurité juridique.
En l’absence d’une position claire de la législation, les derniers jugements et notes de doctrine au Brésil montrent une variété d’options telles que : (i) l’utilisation de la commission rogatoire ; (ii) exécution des mesures provisoires par l’homologation du jugement étranger (“système d’assimilation”) ou (iii) application de la lettre arbitrale.
Considérant la portée limitée de cet article, les auteurs soulignent que leur but n’est pas de prouver l’inapplicabilité des deux premiers instruments pour l’exécution des mesures provisoires étrangères au Brésil.
L’objectif de cette étude est en réalité de provoquer des discussions sur l’ouverture nécessaire de la législation brésilienne au mécanisme des lettres arbitrales. Cet instrument novateur introduit en 2015 – Loi de l’Arbitrage brésilien (“LArb”) – a institué un système d’échanges et de collaboration entre tribunaux d’arbitrages et le Pouvoir Judiciaire brésilien pour l’exécution de mesures provisoires. Et dans le cadre de l’arbitrage international, la lettre arbitrale a été privilégiée par rapport à la commission rogatoire et au système d’assimilation pour la coopération nationale et internationale en matière de mesures provisoires, conformément à l’article 22-C de la LArb et l’article 237, paragraphe IV, du Code de Procédure Civil (“CPC”).
Comme la LArb ne limite pas le cadre d’application de la lettre arbitrale aux procès ayant lieu au Brésil, il n’est pas seulement possible, mais nécessaire, de l’utiliser pour des procédures arbitrales sur le territoire national et à l’étranger. S’il n’en était pas ainsi, nous arriverions à imposer une formalité supplémentaire aux lettres arbitrales prononcées à l’étranger, même en l’absence d’une prévision spécifique pour cela.
L’article 237 du CPC lie tous les types de mécanismes de coopération existants, précisant que la lettre arbitrale sera applicable quand la demande d’assistance sera requise par la juridiction arbitrale. Si le législateur avait voulu intégrer des mesures arbitrales d’urgence prononcées à l’étranger dans l’instrument relatif aux commission rogatoires, il aurait pu le faire. Comme il ne l’a pas fait, il est raisonnable d’affirmer qu’il n’y a pas de réels obstacles à l’acceptation du système de lettres arbitrales dans des procédures d’arbitrage dont le siège est en dehors du territoire brésilien.
Toutefois, que signifie défendre, en fait, l’application de la lettre arbitrale pour l’exécution de mesures provisoires dans des arbitrages situés en dehors du Brésil ?
De façon simple et objective, cela équivaut à dire que, au moment de l’application de la lettre arbitrale pour l’exécution de mesures provisoires étrangères, la demande d’assistance pour son exécution devra être adressée directement par le tribunal arbitral au juge du tribunal d’exécution de la demande, sans qu’il soit nécessaire de réaliser les innombrables étapes d’homologation et diplomatiques impératives à l’utilisation du système d’assimilation et de la commission rogatoire. Cela permet, par conséquent, de préserver l’efficacité de la procédure internationale, sans invalider les demandes d’urgence des parties en raison de la lenteur dans leur exécution.
Même si on reconnaît, d’un côté, que le Supérieur Tribunal de Justice brésilien (“STJ”) est traditionnellement compétent en matière de coopération internationale, de l’autre, si on considère (i) le critère d’internationalité adopté par la LArb, (ii) la possibilité d’analyse de l’ordre public par les juges de première instance, ainsi que (iii) le système d’exécution en droit comparé, la confirmation de la mesure provisoire arbitral directement par le tribunal d’exécution est tout à fait plausible.[1]
Par rapport au premier point, d’après l’article 34 de la LArb, la sentence arbitrale est étrangère s’elle est prononcée en dehors du territoire national. L’option des législateurs brésiliens, même si elle est plus objective et simple, permet que l’internationalité de l’arbitrage soit artificiellement modifiée par la localisation du siège de la procédure, pouvant être conventionnellement choisie par accord entre les parties. Par voies indirectes, la compétence exclusive du STJ en termes d’homologation de sentence arbitrale et exequatur de commission rogatoire finit également par être sujette à l’autonomie des parties et à la capacité de choix du siège de l’arbitrage – ou tout au moins du lieu où les décisions seront prononcées.
Cette réalité conjuguée à l’absence d’un instrument dans la législation qui transmet au STJ la compétence pour recevoir des lettres arbitrales, doit être interprétée en faveur d’élimination d’obstacles empêchant les juges de première instance d’analyser des demandes d’exécution de mesures provisoires au moyen de cet instrument.
Il existe une véritable lacune législative sur le lieu spécifique d’exécution des mesures provisoires arbitrales étrangères. Le Règlement du STJ n’impose pas sa compétence pour l’exécution d’une lettre arbitrale étrangère. Pour sa part, l’article 961 du CPC affirme expressément que “la décision étrangère ne sera efficace au Brésil qu’après l’homologation de la sentence étrangère ou la concession de l’exequatur aux commission rogatoires, sauf disposition contraire de la loi ou du traité”. Donc, face à l’existence de l’article 22-C de la LArb instituant la lettre arbitrale dans le Droit brésilien, il y a une disposition de loi en sens contraire, autorisant l’envoi d’une lettre arbitrale directement au juge du tribunal d’exécution de la demande.
L’exigibilité d’analyse de l’ordre public par le STJ ne doit pas être vue comme un obstacle à la consécration de cette compétence des juges de première instance. Même si cette Cour garantit l’ordre brésilien, ce fait par lui-même n’interdit pas les magistrats du lieu d’exécution de la mesure provisoire de faire la même chose dans le cas de lettres arbitrales.
L’article 39 du CPC, dont la portée n’est pas limitée au STJ, dispose expressément que “la demande passive de coopération juridique internationale sera refusée si elle configure une offense manifeste à l’ordre public”. De plus, les juges des tribunaux locaux eux-mêmes ont, comme on le sait, le devoir de vérifier le respect du verdict arbitral par rapport à l’ordre au moment de l’analyse d’actions d’annulation de sentences arbitrales.
La réalité est qu’il existait déjà d’autres thématiques aptes à autoriser l’analyse de l’ordre public par des organismes distincts du STJ,[2] comme en cas d’insolvabilité transnationale. La réforme récente de la Loi nº 14.112, du 24 décembre 2020 a permis, par le biais de son article 167-J conjugué à l’article 167-B, l’exécution des sentences étrangères ou des mesures provisoires par le juge des faillites lui-même.
De la même façon, en Droit comparé, les ordonnances juridiques de Suisse et de Hong Kong (voir les articles 185(a) et 61 de ses respectives lois d’arbitrage) ne considèrent déjà pas le lieu du siège de l’arbitrage pour fournir une assistance directe aux procédures arbitrales internationales, dans le but de permettre l’exécution de référés directement au tribunal d’exécution de la mesure.
Il est indubitablement du ressort de la doctrine brésilienne d’approfondir sur le sujet et du Pouvoir Judiciaire brésilien d’entreprendre une interprétation systématique de la loi en vigueur, contribuant à la coopération juridique internationale largement considérée dans notre ordre interne. Comme le souligne Carlos Maximiliano : “toute science légale est, consciemment ou non, créatrice ; en d’autres termes, elle tend vers le progrès de la règle formulée, bien au-delà de ce qu’elle-même statue […] Un peuple ne peut pas s’immobiliser dans une forme hiératique promulguée par lui-même ; elle montrera d’une manière générale le chemin, la direction ; elle exercera un rôle de guide, et jamais de lien qui attache.”[3]
La lettre arbitrale est un instrument juridique important qui permet une large utilisation, y compris pour des mesures d’urgence internationale, et qui peut être connu directement par le juge de son exécution. Rendre efficace cette mesure d’urgence contribuera au progrès de nos institutions juridiques et donnera plus de sécurité aux contrats commerciaux internationaux.
[1]Voir aussi l’énoncé 94 de la II Journée de Prévention et Solution Extrajudiciaire de Litiges du Conseil de Justice Fédéral – CJF le 27 août 2021.
[2]De plus, il est important de citer un autre exemple. Comme le détermine l’article 784, §2 du CPC, “les titres exécutifs extra-judiciaires originaires d’un pays étranger ne dépendent pas de l’homologation” et peuvent donc être exécutés directement dans le tribunal d’exécution.
[3] MAXIMILIANO, Carlos. Herméneutique et Application du Droit, 11ª ed. Rio de Janeiro: Forense, 1991, p. 59-60.