17/07/2024 – Auteur : Otávio Augusto SALUM PEREIRA – Avocat inscrit aux barreaux du Brésil et du Portugal, et doctorant à l’Université de Lorraine
La France et le Brésil ont conclu une convention en matière de sécurité sociale qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2014. L’article 2 de cette entente prévoit qu’elle s’applique à plusieurs types de prestations. Pour le Brésil, l’accord couvre les prestations liées aux risques de vieillesse, d’invalidité, de décès, d’assurance maladie et d’accident du travail, ainsi que le salaire maternité. Du côté français, le traité englobe les risques liés à la maladie, à la maternité et à la paternité, à l’invalidité, au décès, à la vieillesse, aux pensions des survivant, aux accidents du travail et maladies professionnelles, ainsi qu’aux prestations familiales.
En principe, le dispositif susmentionné est clair, mais si l’on analyse les législations nationales plus en profondeur, on se rend compte que les concepts d’invalidité peuvent varier dans les deux pays en question. Conformément à l’article L341-4 du Code de la sécurité sociale (CSS), il est possible de conclure qu’il existe trois types d’assurance invalidité, qui sont : a) pour les invalides capables d’exercer une activité rémunérée ; b) pour ceux absolument incapables d’exercer une profession quelconque ; et c) pour les invalides qui, étant absolument incapables d’exercer une profession, sont, en outre, dans l’obligation d’avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie. Il est à noter que la doctrine française elle-même estime que “le montant de la pension dépend de l’importance de l’invalidité”[1]. Ainsi, il nous semble évident que les trois situations relèvent de l’assurance invalidité, ne variant que le montant perçu selon le type d’incapacité[2].
Si l’on fait un parallèle avec la législation brésilienne sur ce sujet, on conclut que la lettre b précitée est l’équivalent de l’assurance invalidité[3], actuellement appelée assurance pour incapacité définitive[4] ; et ladite lettre c, à savoir lorsque l’assuré a besoin de l’aide d’un tiers, équivaut à la grande invalidité, dans laquelle la prestation a une majoration de 25%[5] sur son montant[6].
Mais qu’en est-il des personnes handicapées capables d’exercer une activité rémunérée ? L’article 86 de la loi n. 8.213/1991 prévoit qui seront bénéficiaires de l’aide accident ceux qui ont été atteints par des lésions permanentes résultant en une réduction de leur capacité de travail. Autrement dit, nous traitons ici des invalides, même partiels, qui peuvent exercer une activité rémunérée et, en raison de cela, ont droit à um type d’indemnisation pour augmenter leurs revenus. Selon nous, la similitude entre les invalides classés dans la première catégorie de l’article L341-4 du CSS et ceux bénéficiaires de l’indemnité dite d’accident prévue dans ledit article 86 est frappante.
Cependant, comme nous l’avons vu plus haut, en droit français cette prestation est une forme d’assurance invalidité, tandis que le cadre juridique brésilien la considère comme une prestation autonome[7]. En pratique, si un assuré demande une « aide-accident française » basé sur l’accord, la verra sûrement octroyée, à condition que les exigences légales soient remplies. En revanche, si le même assuré demande cette prestation auprès de l’INSS, selon la convention bilatérale, aura sa demande refusée, car celle-ci ne prévoit expressément cette prestation brésilienne.
Une telle disparité va à l’encontre du principe d’égalité de traitement, tel qu’énoncé à l’article 4 de l’accord, selon lequel toutes les personnes « ont les mêmes droits et obligations que ceux que la législation de cette Partie contractante accorde ou impose à ses ressortissants ».
En somme, tout refus de la part de l’INSS de répondre à une demande d’octroi d’une aide en cas d’accident basée sur la convention franco-brésilienne renverserait la logique de ce type de traité, où les parties doivent avoir droit aux mêmes prestations dans les pays signataires. Pour ces motifs, nous pensons qu’en cas de judiciarisation, la justice se prononcerait en faveur de l’assuré, ce qui serait conforme à notre interprétation selon laquelle la prestation en question est effectivement incluse dans l’accord.
[1] JEANSEN Emeric, Droit de la protection sociale. 4e éd., 2021, LexisNexis, p. 209.
[2] Les articles R341-4, R341-5 et R341-6 du CSS prévoient différents taux pour de tels cas.
[3] Loi n. 8.213/1991, article 42.
[4] Constitution fédérale/1988, art. 201, I.
[5] Loi n. 8.213/1991, art. 45.
[6] En France, le taux est de 40% (CSS, art. R341-6).
[7] Voir l’art. 18 de la loi n. 8.213/1991, qui énumère les types des prestations de sécurité sociale brésiliennes.