Bulletin Juridique

Les méthodes alternatives de résolution de conflits avec l’Administration publique au Brésil

28/03/2023 – Francisco Pignatta

Dans les relations privées, le recours aux méthodes alternatives de résolution de conflit grandit en nombre. L’utilisation de ces mêmes méthodes en droit public et notamment devant un conflit avec l’Administration est pour le moins difficile d’imaginer avec les mêmes caractéristiques du droit privé si on considère l’état actuel du droit français. Bien que certaines formes de recours gracieux ou hiérarchique, de recours administratifs préalables obligatoires ou même la faculté de transiger par des personnes publiques pouvaient être considérées comme telles, ces méthodes alternatives n’ont pas eu d’effet significatif sur le volume de saisines du juge et ne parviennent pas à convaincre les administrés de renoncer à soumettre le litige à un juge[1].

Au Brésil, le nombre excessif des litiges (en 2021, il y avait au Brésil 74 611 811 procès en cours et 24 432 334 nouveaux procès[2]), dont une bonne partie concerne l’Administration publique, a fait que le législateur et même le pouvoir judiciaire agissent pour trouver de solutions à ce « tsunami » de procès.

Le cadre réglementaire

Cependant, le recours aux méthodes consensuelles ou à l’arbitrage dans les conflits avec l’Administration publique au Brésil est assez récent. En 2010 le Conseil national de justice (CNJ) a édité une Résolution (125/2010) dans laquelle il ouvre la possibilité de l’utilisation de la conciliation, la médiation, la négociation et l’arbitrage avec l’Administration publique.

En 2015, les lois 13 129 et 13 140 ainsi que l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile viennent compléter le cadre réglementaire. La loi 13 129/2015, qui a modifié la loi sur l’arbitrage (loi 9 307/1996), prévoit dans son article 1˚, §1˚ que l’Administration publique pourra utiliser de l’arbitrage pour la résolution des conflits concernant les droits patrimoniaux disponibles. L’article 3 du nouveau Code de procédure civile établit un devoir de l’État de promouvoir la résolution consensuelle de conflits et son article 174 prévoit la création de Chambres de conciliation et de médiation pour le gouvernement Fédéral et des États, compétentes pour résoudre les conflits entre les citoyens et l’Administration.

Plus récemment (2022), la Cour suprême brésilienne (STF) a décidé que le recours à une méthode alternative de résolution de conflits était possible même sans loi autorisant l’agent public à le faire, à condition que ces accords respectent et favorisent les principes constitutionnels de l’Administration publique.

La mise en œuvre des méthodes alternatives de résolution de conflits

Les Chambres administratives de résolution de litiges se sont installées progressivement dans les États du Brésil depuis 2018, en commençant par les États de Rio de Janeiro et de São Paulo. Ne sont pas tous les États brésiliens qui disposent de ces Chambres administratives, mais le nombre grandit.

Les États qu’y disposent, les résultats sont expressifs (dans l’État de Rio de Janeiro, entre les années 2021 et 2022, 17,8 millions d’euros d’économie pour les caisses de l’État). Il y a même des États qui ont créé des chambres spécifiques pour traiter de questions de santé publique, notamment les demandes de prise en charge des hospitalisations ou des médicaments par l’Administration (entre janvier et octobre 2022, la Chambre de l’État de Rio de Janeiro a résolu 12 618 affaires)[3].

L’existence de ces Chambres est d’autant plus importante puisqu’elles ont vocation à résoudre des conflits entre personnes physiques ou morales (y inclut celles du pouvoir public) avec les personnes de droit public, organes de l’Administration et ses fondations.

Il faut également mentionner qu’au niveau fédéral, l’accès à la Chambre de médiation et de conciliation n’est pas encore ouvert à des personnes privées, seules les entités publiques peuvent la saisir. Cependant, des projets de règlementation sont en cours pour permettre l’ouverture à des personnes privées.

Pour l’investisseur étranger qui souhaite s’installer au Brésil, la possibilité de saisir les Chambres de résolution de conflits avec l’Administration est une bonne nouvelle.


[1] Gilbert, François, Les méthodes alternatives de résolution des conflits en droit public français, https://www.legiscompare.fr/web/IMG/pdf/5._29_novembre_2022_-_francois_gilbert.pdf

[2] Justiça em números 2021 (CNJ), file:///D:/Documentos/Projets/Articles/2023-03%20-%20CCBF/relatorio-justica-em-numeros2021-12.pdf

[3] Rodrigues, Marco Antonio, Les méthodes alternatives de résolution des conflits en droit public, https://www.legiscompare.fr/web/IMG/pdf/4._29_novembre_2022_-_marco_antonio_rodrigues.pdf

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