Bulletin Juridique

L’exécution au Brésil des mesures provisoires rendues par un tribunal arbitral situé à l’étranger

Dans les cas où les décisions arbitrales ne sont pas spontanément respectées, la coopération avec le Pouvoir Judiciaire est fondamentale. Il existe un domaine dans lequel cette coopération doit encore progresser : celui de l’exécution au Brésil des mesures provisoires rendues par un tribunal arbitral situé à l’étranger. 

Au Brésil, même si la législation, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent la compétence de l’arbitre pour ordonner ce type de mesures (Loi de l’Arbitrage— LArb, articles 22-A et B), il n’existe pas d’uniformité de mécanisme adéquat pour l’exécution de ces dernières, lorsqu’elles sont prononcées hors du territoire brésilien. Coexistent les courants qui soumettent l’utilisation : 1) à une commission rogatoire ; 2) à une lettre arbitrale ; ou 3) à l’homologation pour cette exécution.

Une décision proférée fin 2019 par le Tribunal Supérieur de Justice (STJ) et non relevée par la doctrine, paraît toutefois être une issue possible à cette impasse ou, du moins, une tendance de positionnement du STJ. À la demande d’homologation de la décision étrangère (HDE) nº 3671/US, l’ancien président du STJ a décidé de permettre par injonction l’exécution de la mesure d’urgence via procès d’homologation de la décision arbitrale.

Dans sa décision, le ministre Noronha, même s’il reconnaît que “la décision n’est pas à proprement parler une sentence arbitrale”, conclut qu’“une décision à caractère accessoire […] peut être homologuée par le STJ, si elle est efficace dans son pays d’origine”.

Cette décision monocratique paraît tracer le chemin vers l’exécution des mesures provisoires, en adoptant un positionnement sur une question qui suscite des doutes : la possibilité de la considérer comme une sentence arbitrale, passible d’exécution forcée devant les instances juridictionnelles.

Face au silence de la Convention de New York sur les mesures provisoires, beaucoup comprennent qu’elles ne peuvent pas être reconnues en se basant sur ce traité, puisqu’il ne s’appliquerait qu’à des décisions arbitrales définitives, outre se présenter souvent sous la forme d’ordres (orders) et non de sentences (awards).

D’autres soutiennent que la mesure provisoire serait définitive (final award) pour les questions résolues par elle, étant de ce fait passible de reconnaissance dans le régime de la Convention de New York, qu’elle soit véhiculée par un ordre ou une sentence.

Pour échapper à cette difficulté, une autre possibilité est de se prévaloir du régime de commission rogatoire (Code de Procédure Civile — CPC, articles 960, §1º, et 962, §1º), via une systématique générale du CPC sur l’homologation de décisions étrangères – qui s’applique subsidiairement à la reconnaissance des décisions arbitrales (LArb, article 36 ; CPC, article 960, §3º). Le problème est que le tribunal arbitral ou la partie intéressée devrait en thèse exiger de l’organe judiciaire du pays où a été rendu l’arbitrage, l’expédition de la commission rogatoire, qui serait transmise par voie diplomatique pour la concession de l’exequatur au Brésil (CPC, article 26, §1º). Or, ce processus peut durer des mois, voire des années, affectant l’exécution de la mesure d’urgence.

Face à ce problème, une partie de la doctrine défend la possibilité de formuler une requête de coopération internationale directement au STJ via commission rogatoire émanant des arbitres, à l’exemple de la solution préconisée dans la Loi-Modèle de la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (UNCITRAL).

La récente décision du STJ a pris position sur ces questions. Outre soumettre la mesure provisoire au régime de l’homologation des sentences étrangères, elle confirme l’exigence de recourir aux tribunaux du siège de l’arbitrage pour que ceux-ci, en tant qu’autorités judiciaires, puissent expédier une commission rogatoire passible de concession d’exequatur au Brésil.

Plusieurs points restent néanmoins à éclaircir :

— Reconnaître la mesure provisoire par le rite de l’homologation de décision arbitrale étrangère n’impose-t-elle pas à la partie requérante de formuler une nouvelle demande d’urgence pour anticiper l’exécution de la décision homologuée ? Et les tribunaux brésiliens ne réviseraient-ils pas ainsi indirectement l’urgence déjà analysée par le tribunal arbitral ?

— Considérant que la Convention de New York n’est pas mentionnée dans la décision, est-elle compatible avec le concept et les effets générés par une mesure à titre provisoire ?

— La partie à laquelle est opposée la mesure provisoire peut-elle invoquer les mêmes raisons de non-homologation qu’une sentence finale sur le fond ? Si oui, en permettant que les tribunaux brésiliens examinent la validité de la clause d’arbitrage et l’arbitrabilité du litige, donnerions-nous à la partie adverse le pouvoir de contester et aux tribunaux celui de réviser prématurément la juridiction du tribunal arbitral— quand l’arbitre peut ne pas avoir déclaré sa propre compétence ?

— Face à ces questions, l’idéal ne serait-il pas de permettre, de lege ferenda, que les parties intéressées demandent directement l’exécution de mesures provisoires au tribunal d’exécution via une lettre arbitrale délivrée par un tribunal arbitral étranger, à l’exemple de la réforme de la loi d’arbitrage suisse de 2021 ?

Ainsi, la décision analysée ouvre-t-elle un chemin pour l’exécution au Brésil de mesures provisoires prononcées par des tribunaux arbitraux étrangers, mais elle remet en lumière en même temps des doutes anciens sur les meilleurs mécanismes pour exécuter ces mesures. Il serait important que ces doutes soient levés par la jurisprudence.

bma

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