Bulletin Juridique

Février 2020 – Article n°6

L’application de la Convention sur les ventes internationales de marchandises par les juridictions brésiliennes

Francisco Pignatta

Avocat aux barreaux de Curitiba, Lisbonne et Paris

La Convention de Vienne de 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises est applicable au Brésil depuis 2014.

Depuis plus de 5 ans, la Convention de Vienne de 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (CVIM) est applicable au Brésil. Après son entrée en vigueur en 2014 (Décret n◦ 8.327 – 16/10/2014), elle fait partie du droit brésilien et elle est, de ce fait, applicable aux contrats de vente internationale de marchandises lorsque les parties ont « leur établissement dans des États différents » et que ces États soient des États contractants (article 1.1.a de la CVIM).

Jusqu’à présent, seulement quatre décisions brésiliennes ont appliqué la CVIM (trois
du Tribunal de Justiça do Rio Grande do Sul – TJ-RS – et une du Tribunal de Justiça de Santa Catarina – TJ-SC)1.

En analysant ces jurisprudences, des points positifs méritent d’être signalés et notés :
dans deux décisions (TJ-RS, 14/02/2017 et TJ-SC, 09/05/2019), les juges ont bien appliqué l’article 11 de la CVIM pour déterminer qu’un contrat avait été conclu sans même l’existence d’un écrit (l’émission de factures par le vendeur et le paiement partiel par l’acheteur établissait la preuve qu’un contrat avait été conclu). Ces arrêts traduisent la bonne compréhension du principe de la liberté de la forme, consacré par la Convention de Vienne et applicable tant à la formation du contrat qu’à sa modification ou à sa résiliation par les parties (article 29). Sur d’autres points, l’arrêt du TJ-RS du 14/02/2019 a bien appliqué l’article 30 de la Convention en constatant l’inexistence de la livraison des marchandises, bien que le paiement d’une partie du prix avait déjà été fait par l’acheteur (article 53 de la CVIM). Selon cet arrêt, l’acheteur avait accompli son obligation de paiement (article 53) alors que le vendeur n’avait pas livré les marchandises (article 30). Tirant logiquement les conséquences de ce constat et, sur la base de l’article 49.1.b de la Convention, les juges ont considéré que l’acheteur pouvait « déclarer le contrat résolu … en cas de défaut de livraison ». Le contrat ayant été résolu, les juges ont ordonné la restitution à l’acheteur de ce qu’il avait « payé en exécution du contrat » (article 81.2).

Cependant, dans d’autres aspects, les Cours brésiliennes ont montré une certaine
hésitation dans l’application de la CVIM. Deux exemples sont symptomatiques :

– selon l’article 47 de la CVIM, l’acheteur « peut impartir au vendeur un délai supplémentaire (…) pour l’exécution de ses obligations ». Cependant, la concession d’un délai supplémentaire doit être claire et sans ambiguïté. En l’espèce, l’arrêt du TJ-RS du 14/02/2017, en soutenant l’idée que l’acheteur avait alloué un délai supplémentaire, ne fait aucune référence à un quelconque acte qui pouvait être considéré comme tel. L’inaction de l’acheteur devant le retard d’exécution du vendeur ne peut pas être considérée comme un délai supplémentaire alloué, puisque ce dernier nécessite un degré élevé de certitude afin que l’absence de respect du délai puisse être considérée comme une violation essentielle du contrat. Les juges brésiliens ont, de façon diverse, considéré que les tentatives menées par l’acheteur de prendre attache avec le vendeur devaient, en effet, être considérés comme la concession implicite d’un délai supplémentaire pour exécuter le contrat.

– Dans l’arrêt du TJ-SC du 09/05/2019, une des questions concernait la détermination
des taux d’intérêt. Le TJ-SC, s’appuyant sur une règle de droit interne (article 406 du Code
civil brésilien et l’article 161, par. 1 du Code fiscal – Código Tributário Nacional), a alloué des intérêts de 1% par mois à compter de la date d’échéance de la dette. Les questions
concernant la détermination du taux d’intérêt à utiliser sont assez controversées. Deux
solutions s’offrent au juge : soit il applique la Convention en se référant à ses principes
généraux, soit il applique la loi régissant le contrat. On peut regretter, alors, que le
raisonnement des juges brésiliens n’ait pris en compte aucune de ces deux solutions et ils ont appliqué la loi brésilienne pour trancher cette question, sans se référer à la loi qui avait vocation d’être appliquée selon les règles de droit international privé (conflits de lois).
Cet aperçu indique d’une part les difficultés du maniement de la CVIM par les juridictions brésiliennes et les défis d’interprétation que cela représente et, d’autre part, le constat que les parties n’ont pas soulevé l’application de la Convention de Vienne, obligeant les juges l’appliquer d’office.

1 TJ-SC, Ap. Cível, 1ère ch. Com., 09/05/2019, (nº CNJ : 0305428-39.2014.8.24.0038), Linder Aktiengellschaft Decken, Boden,
Trennwandsteme x Orientador Alfandegário Comercial Importadora e Exportador Ltda. ; TJ-RS, Ap. Cível, 12e ch. Civ.,
30/03/2017, nº 70072090608 (nº CNJ : 0419254-25.2016.8.21.7000), Voges Metalurgia Ltda x Imetal, C.A., ; TJ-RS, Ap.
Cível, 12e ch. Civ., 14/02/2017, nº 70072362940 (nº CNJ: 000040973.2017.8.21.7000), Anexo Comercial x Noridane Foods
S.A., note F. KUYVEN et F. PIGNATTA, « Noridane Foods v. Anexo Comercial, Court of Justice of the State of Rio Grande
do Sul », Revista Brasileira de Arbitragem, 2017, vol. 14, p. 140-154 ; TJ-RS, Agr. Instr., 12e ch. Civ., 10/09/2015, nº
70065345423 (nº CNJ: 0219920-44.2015.8.21.7000), Voges Metalurgia Ltda x Imetal, C.A.

Francisco Pignatta

Avocat aux barreaux de Curitiba, Lisbonne et Paris

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